Les anges cannibales, Derey.

Ma mère, en voyant le bouquin traîner sur la table, m'a dit : "Il est nul ce titre, 'Les anges cannibales', c'est débile! Un ange, c'est quelque chose de bon, qui fait du bien autour de lui..."
Enfin, vous voyez en gros où elle voulait en venir.
"Les anges cannibales" de Jean-Claude Derey (Ed du Rocher) se déroule en Sierra Léone (où que c'est ce foutu pays? Si vous ne savez pas, passez votre chemin!) durant la guerre civile qui oppose de multiples tribus et ethnies; les Kamajors, le RUF, Mosquito... A travers l'histoire de Yondo, jeune garçon d'une dizaine d'années, nous suivons le déroulement, les atrocités de ce carnage. Yondo, témoin du meurtre de sa famille par les partisans du Général Mosquito et fait prisonnier par ses troupes, devient malgré lui enfant soldat. Via ses réticences, la seule envie de venger son père et sa mère le fait survivre et subir des épreuves morales et physiques inimaginables.
A travers ce livre, l'auteur nous éclaire un peu plus sur le quotidien de ces pauvres anges abandonnés, métamorphosés par les crimes, les viols, la drogue. La manipulation de ces esprits par des hommes sans scrupules, sans coeur. Un exemple tout simple, pour devenir membre (forcé) de la troupe de Mosquito, l'examen d'entrée est d'exterminer sa famille entière, ensuite grâce aux effets de la gandja et de l'héroïne, il n'est pas difficile outre mesure de faire croire à ces enfants que leurs seules familles dorénavant est l'armée.
Petit passage qui témoigne de l'horreur : Une rencontre entre un groupe de rebelles et une jeune fille enceinte.
" Le commandant Moon a parié avec ses hommes cinq cent dollars US sur le sexe du bébé. Pour lui? Ce serait un garçon! Captain Blood penchait pour une pisseuse.
- Faudra revenir dans un mois pour fêter la naissance! a ri la maman.
- Impossible! a répondu Moon. On sera trop au nord. A Kono.
Puis d'une voix décidée:
- Faut vérifier maintenant!
La mère a écarquillé les yeux avant d'éclater de rire! Puis elle a gémi quand il l'a éventrée d'un coup de poignard, d'un seul, de bas en haut.
Et il a plongé les mains dans le ventre.
- Un garçon! s'est-il écrié triomphant."
Ce livre par son écriture, sa force narratrice est un véritable uppercut. On dévore les pages en espérant avoir une fois pour de bon, dépassé l'abominable... Mais l'histoire se répète. Des milliers de vies gâchées, détruites pour quelles raisons? Argent, diamant, pouvoir... Enfants soldats, petits hommes qui n'ont peur de rien! Bonne chair à canon, bien docile...
Un bouquin violent, d'une atroce réalité, témoignage émouvant de pauvres êtres en déroute. A lire évidemment.